ÉcoTrail de Paris 2016, mieux qu’une confirmation

Au début de l’année, après mon nouveau record sur 10 kilomètres, je me voyais éventuellement continuer sur ma lancée et m’attaquer à mon record du semi-marathon à l’occasion de celui de Paris. Ne réussissant pas à mettre la main sur un dossard, j’ai alors décidé de changer mon fusil d’épaule et de me tourner vers le trail avec en point de mire une troisième participation aux 80 kilomètres de l’ÉcoTrail de Paris.

C’est Isostar qui m’a offert la chance de rempiler sur cette épreuve qui m’avait bien réussi en 2015. L’objectif officiel était simple, confirmer ma performance de l’an passé en bouclant la course en moins de 8 heures. L’objectif un peu moins avoué mais commun avec Greg se situait autour de 7h30 avec à la clé un probable top 100.

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Ma préparation a eu peu de choses en commun avec celle de 2015 pendant laquelle j’avais couru le semi-marathon de Paris. Moins de kilomètres mais plus de volume horaire avec notamment un travail spécifique sur le dénivelé positif beaucoup plus présent et même une course de préparation à 4 semaines de l’objectif. C’est donc avec le sentiment d’être mieux préparé que je me suis présenté ce samedi 19 mars sur la ligne de départ de cette longue course.

Le ciel est couvert, la température relativement fraîche. Je suis impatient d’en découdre. Le départ est donné à 12h15. Il est rapide ! Les gens sont fous. J’ai l’impression d’être au départ d’un semi-marathon alors que nous nous élançons pour un effort qui doit durer jusqu’à la tombée de la nuit !

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Rapidement Greg et moi essayons de lever le pied, sans réel succès. Nous couvrons les 23 premiers kilomètres de course jusqu’au premier ravitaillement à Buc en moins de 1h49 à la vitesse de 12.77km/h.

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Je l’ignore à ce moment là car je ne consulte que très peu ma montre. Contrairement à l’an passé je suis même parti sans ceinture cardio. J’ai envie de courir au plus près de mes sensations. Nous repartons après une pause éclair, les choses sérieuses vont pouvoir commencer. Rapidement, dès les premières bosses sérieuses, Greg m’annonce qu’il n’est pas au mieux et qu’il est en délicatesse avec ses ischios et ses adducteurs depuis son récent séjour au ski. Je temporise pour voir comment les choses évoluent mais je suis pessimiste sur la suite des événements et me résous malheureusement au bout de quelques kilomètres à partir devant sans avoir le temps de lui souhaiter bon courage. Il prendra la sage décision de s’arrêter vers le trentième kilomètre.
Me voilà seul et la route est encore longue. Je commence à remonter des coureurs qui se mettent à marcher sur le plat alors qu’il reste plus de 40 kilomètres de course. J’hallucine !
À la défaveur d’un long raidillon je rejoins Sylvain qui est en difficulté. Il court avec une tendinite d’Achille. Il tente de m’emboîter le pas, en vain, et crie presque sa douleur à chaque foulée….mais il ira au bout en moins de 8 heures !

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Quelques hectomètres plus loin, toujours dans une montée, je reconnais Vincent, posté là pour encourager les amis et les prendre en photo. Il me traite de feignasse ! Mais je le pardonne, c’est pour la bonne cause. Il marche quelques mètres avec moi avant de retourner à son poste de supporter.
Le point d’eau situé en face de l’observatoire de Meudon (vidéo), au quarante cinquième kilomètre n’est plus très loin. J’y passe en coup de vent en 4h06′ prenant à peine le temps de remplir un bidon avec de l’eau claire. Direction Chaville, onze kilomètres plus loin !

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Après cinquante kilomètres de course l’effort s’intensifie, la lutte commence. Et lorsque le corps demande d’arrêter de courir, le cerveau lui refuse cette proposition un peu lâche. Je suis ravi de constater que le mental est au rendez-vous ! Je passe par des états qui vont de l’euphorie sur les petits singles tortueux où je m’amuse à la souffrance pure dans ces longues lignes droites en montée. J’évolue souvent seul et dois rester lucide quant au balisage du parcours. Une erreur est vite arrivée.

Au cinquante deuxième kilomètre je vis ma première hallucination de traileur. Je croise Christophe Hondelatte, vous savez le chanteur, en train de promener son chien dans les bois. Cette apparition cocasse me fait sourire.

Le ravitaillement de Chaville n’est plus très loin. Lorsque j’y arrive (vidéo), sous les encouragements rassérénants du public, il y a très peu de coureurs. J’ignore où j’en suis au niveau du chrono mais je comprends que le classement ne doit pas être mauvais. La soupe chaude et les tucs sont les bienvenus. La pause est de courte durée. À quoi bon perdre inutilement du temps ?

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Je fonce vers le parc de Saint-Cloud et ses chemins que j’apprécie une fois par an à l’occasion de l’ÉcoTrail ! Je suis seul dans l’effort. Des moments rares. Près de six heures d’effort dans les jambes. L’introspection est totale. Je croise un signaleur qui m’annonce 88ème. Je prends cette information pour argent content (sic) qui m’aide à ne pas ralentir. Je m’aperçois que le parcours a été modifié dans le parc et j’ai la mauvaise surprise de constater que le ravitaillement du 67ème kilomètre est au sommet d’une belle côte, mais c’est pour tout le monde pareil ! Une fois de plus l’ambiance au ravitaillement (vidéo) est très feutrée, quasi religieuse. La nuit commence à tomber. Une dernière soupe pour me donner du courage et je repars dans la descente vers le pont de Sèvres.

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Seconde hallucination de la journée, je suis dans la descente avec deux autres coureurs sur lesquels je suis revenu à la sortie du ravitaillement, quand nous croisons Michel Lanne, du team Salomon, qui remonte la pente et nous lance quelques encouragements. Pas le moment de se déconcentrer, les dix derniers kilomètres vont nécessiter les dernières ressources qui me restent.

Là encore, je constate que le parcours a subi une modification. Nous ne passons plus sur le chemin en bord de Seine mais côtoyons au plus près les voitures, en empruntant les trottoirs. C’est à ce moment que Greg, emmitouflé dans sa parka, fait son apparition. Je ne suis pas étonné de son abandon, mais particulièrement ravi de le voir venir ainsi à ma rencontre pour me soutenir ! Nous échangeons quelques mots. Il m’annonce qu’il se rendra ensuite à la tour Eiffel.

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Une dernière montée bitumée sortie de nulle part, un bout de côte des gardes dans le sens de la descente et nous rejoignons l’île saint-germain. C’est au tour de Vincent de surgir à nouveau. Il court quelques centaines de mètres avec moi, me donne quelques infos et me mitraille de son appareil photo. Il m’encourage pour la fin.

Ça se précise mais la tour Eiffel, pourtant si proche, me parait tellement loin. Je souffre des pieds depuis déjà au moins vingt kilomètres et dois finir par me résoudre à alterner la course avec des phases de marche rapide. J’ai peur de perdre des places. À moins de cinq kilomètres de la tour, une coureuse étrangère qui finira cinquième me rejoint et me demande en anglais combien il reste à parcourir. J’ai à peine le temps de lui répondre que déjà elle creuse un écart de dix mètres, puis vingt…

En descendant sur l’île aux cygnes je suis à nouveau dépassé par deux ou trois coureurs. Je peste ! Pas si près de l’arrivée ! Ce top 100 ne doit pas m’échapper !

En remontant sur le parvis de la tour, les signaleurs m’aident à me frayer un passage au milieu des touristes. C’est toujours un moment surréaliste. Une nouvelle féminine me double (vidéo) juste au pied de l’escalier qui doit nous mener au premier étage de la tour Eiffel. N’en jetez plus !! Greg est là, il me félicite ou m’encourage, ou les deux, je ne sais plus.

Dans l’escalier je suis interpellé. C’est Vincent, un autre, qui entame l’escalade avec moi. Il me propose une petite photo. Je prends la pose l’espace de quelques secondes. C’est la première fois que je peine autant dans l’ascension finale, mais je sais que mon classement est acquis.

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C’est fini ! Je franchis la ligne, stoppe machinalement ma montre et tombe nez à nez avec le panneau d’affichage qui donne le classement en temps réel. 7h35’01, 91ème au scratch, 31ème dans ma catégorie des V1.

Je suis un peu étourdi mais j’arrive à réaliser que je viens d’accomplir une belle performance. Je récupère la médaille et le tee-shirt avant de m’engouffrer dans l’ascenseur qui me ramène sur la terre ferme où je retrouve à nouveau Greg qui a fait le déplacement spécialement. En débriefant sommairement la journée, il me raccompagne vers les semi-remorques où je récupère mes affaires. J’ai froid, j’ai faim, j’ai mal aux pieds. Mais qu’est-ce que c’était bien !

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Et la vidéo souvenir !

27 réflexions sur “ÉcoTrail de Paris 2016, mieux qu’une confirmation

  1. Bravo Philippe. Tu as réussi à maintenir la pression jusqu au bout. Cela fait désormais quelques années que tu ne regardes plus la Dame de Fer comme avant.

  2. Super performance Philippe ! En plus, ton billet est un exemple. Tu es un bon coureur et un bon bloggeur. Je veux faire connaître l’Ecotrail à mes amis de Québec. Si tu permets, je relaye ton billet sur mon blog. En passant, je lis toujours tes billets depuis 2011.

  3. C’est presque aussi cool d’encourager les potes que de courir, et c’est surtout moins difficile. J’ai hésité à m’inscrire en dernière minute, ce récit comme tous les récits m’a fait regretté de ne pas l’avoir fait!
    Bravo!

    1. Merci encore. J’ai du mal à comparer ça avec le marathon. Étonnamment je crois que je préfère. Le chrono n’est pas une fin en soi quand je suis au départ de cette course et l’objectif se dessine au fur et à mesure que j’avance sur le parcours :) D’ailleurs je me rends compte que j’ai couru plus de trails (un peu longs) que de marathons…

      1. le chrono mets trop de pression sur la prépa marathon. Et puis c’est aussi tellement plus court et plus intense. Je ne sais pas si la comparaison serait la même avec le 30 ou 50.
        Et je ne sais pas non plus si j’arriverais à préparer un marathon avec le même « détachement » ni à la courir aux sensations juste pour profiter de l’instant. Je ne pense pas. L’intensité de l’effort ne me semble pas compatible avec ce genre de course et je n’ai pas encore ressenti cet « état de grâce » (n’ayons pas peur des mots!) comme sur la sainté 2013 ou l’écotrail l’année dernière…

  4. ET BEN !!! et ca a l’air si simple !!! un grand bravo à toi !! c’est impressionnant !!! vraiment impressionné par cette grande maitrise !!

  5. Un superbe chrono !! Aussi rapide sur course qu’à poster tes CR. Tu étais bien concentré et lucide sur ta course pour nous livrer ainsi ces détails.
    Bonne récup à toi !

    1. Merci. Quand tu cours 8 heures, le plus souvent seul avec toi même, tu as le temps de penser à des milliers de choses. Et notamment à ce que tu vas avoir envie de partager. Tous les détails ne sont pas dans ce récit heureusement :)

  6. Fiouuuuu, du grand Phiphi !!! Bravo à toi ! Et très content d’avoir passé quelques minutes avec vous dans le sas de départ. :)
    A bientôt sur d’autres sentiers, aux buttes Chaumont ou ailleurs. :)

    1. Merci, ouais c’était cool de passer un moment ensemble avant le départ. Le selfie de Greg est sympa. Et bravo à toi, tu t’en sors plus que mieux pour ce retour aux affaires. Bonne fin de récup’ !

    1. Merci. Je fais beaucoup d’efforts pour essayer d’être vraiment satisfait. Je continue à me dire t’as perdu une minute ici, deux places là… c’est pénible :) En tout cas c’était très sympa de voir vos têtes !

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