Saintélyon 2014, une nuit blanche un peu noire

J’étais pourtant prêt physiquement pour le combat. Après ma première expérience de l’an passé, je ne partais plus dans l’inconnu. Et même si les conditions météo n’étaient pas comparables, je savais ce que je m’apprêtais à vivre. Malheureusement mon ventre en a décidé autrement, m’obligeant à monter dans le bus pour rejoindre le palais des sports de Gerland, entre Sainte-Catherine et Chaussan au ravitaillement du 38ème kilomètre. Retour sur ma demi saintélyon 2014…..

Tout avait pourtant bien commencé. Après avoir été invité par Julien à passer le début de la soirée chez des stéphanois, à moins de 500 mètres de la zone du départ, c’est sur le coup de 23 heures que nous nous présentons au gymnase pour y retrouver certains des amis présents pour cette 61ème Saintélyon. Nous ne tardons pas à rejoindre la ligne de départ où nous nous retrouvons presque aux avant-postes.
Par intermittence, un léger crachin vient nous lécher les épaules. La température extérieure est positive, mon moral aussi. Je pars avec une couche de moins qu’en 2013. L’attente se fait dans la bonne humeur. Je fais enfin la connaissance de David, venu de Lille pour affronter les monts du lyonnais. La petite troupe devise dans la bonne humeur, se tient chaud et se moque gentiment d’un speaker un peu approximatif.

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Minuit. Il est grand temps d’aller enfin se dégourdir les jambes ! Je ne mets pas longtemps à trouver l’allure qui me convient. J’accompagne Greg sur les 6 premiers kilomètres de goudron à un peu plus de 12km/h. Ça discute un peu, mais pas trop. Nous coordonnons assez rapidement une première pause technique qui laisse le temps à Julien parti un peu plus prudemment de revenir sur nous.
Nous doublons Grégory alias Grégo On The Run qui est parti les mains dans les poches et qui me fait belle impression (il finira en moins de 7h40′ !)
La route commence alors à s’élever avant de quitter le bitume pour les chemins. L’allure tombe logiquement à 10km/h et je prends à nouveau les devants avec Greg. À la faveur de la première descente boueuse, vers le 12ème kilomètre, Greg me décramponne. Je descends aussi mal dans la boue que sur le verglas. Je n’ai même pas le temps de dire au revoir à Greg que je ne reverrai plus. Je continue à mon allure et passe sans m’arrêter au ravitaillement de Saint-Christo-en-Jarez situé au 15ème kilomètre. Les chose sérieuses commencent. Nous sommes partis depuis 1h23.

Le point culminant du parcours, à un peu moins de 900 mètres d’altitude, est atteint après environ 20 kilomètres de course. C’est à ce moment que je sens mon ventre se durcir et entraver ma foulée. J’ai pris le soin de m’alimenter et de m’hydrater très régulièrement depuis le départ. Le contenu de mes bidons très froid est peut être en train de me jouer un vilain tour…
Dans ces conditions, la descente vers Sainte-Catherine et son ravitaillement devient assez désagréable. J’atteins le check point du 27ème kilomètre après 2h36 de course en 409ème position. C’est assez rapide et je ressens déjà de la fatigue mais rien de très inquiétant. C’est plutôt du côté de mes intestins que la révolution se prépare. Ils m’imposent d’ailleurs une première pause à la sortie du ravitaillement. Je repars à l’assaut du parcours en me disant que je vais savoir très vite ce que je peux espérer.

Très rapidement, je dois malheureusement me rendre à l’évidence, je ne peux plus rien absorber. Je suis même contraint de m’arrêter de nouveau dans la longue montée du bois de l’Eteillé. Ma décision est prise, je n’irai pas plus loin que le prochain ravitaillement…C’est ce que je dis à Julien lorsqu’il me reprend après une trentaine de kilomètres de course. En arrivant enfin au ravitaillement de Saint-Genoux, j’ai déjà perdu 300 places et c’est avec un certain soulagement, teinté de déception, que j’annonce à l’organisation que je me retire de la course. J’y retrouve Florent qui est là depuis quelques minutes pour les mêmes raisons que moi et qui se ravise après avoir tenté de repartir.
Après quelques dizaines de minutes d’attente au poste de secours, emballés dans nos couvertures de survie et entourés de coureurs en perdition pour différentes raisons, nous partageons dans le silence la banquette du bus qui nous redescend sur Lyon.

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Il n’est pas encore 6 heures du matin lorsqu’une douche tiède plus tard je retrouve Antoine qui vient d’arracher une superbe 2ème place avec son équipe du Team Outdoor Paris au relais à 3. Il m’apprend la victoire de Patrick Bringer dans les derniers mètres de course aux dépens de Manu Gault, en 5h20. Ces coureurs évoluent dans une autre dimension !
Je remonte en salle de presse. Sylvaine Cussot qui arrache la 2ème place chez les filles derrière Maud Gobert est en train de répondre aux sollicitations des médias.
Je consulte le suivi en live et m’aperçoit que, sans surprise, Greg est en train de réaliser un grand numéro. Il est 7h26 lorsque j’assiste à son arrivée depuis les gradins du palais des sports. Il me rejoint quelques dizaines de minutes plus tard, fatigué mais heureux. Julien arrive à son tour. Moins heureux mais tout aussi fatigué avec une performance, légèrement supérieure aux 8 heures, qui le déçoit. Je commence à regretter de ne pas avoir eu la chance d’aller moi aussi au bout de l’effort et de ne pas savoir de quoi j’aurais pu être capable.

La SaintéLyon est une belle épreuve, atypique. Roulante, usante, exigeante, trépidante. Malgré cet épisode inachevé, je n’ai pas le sentiment d’avoir une revanche à prendre. C’est la raison pour laquelle je ferai mentir le célèbre dicton. Les prochaines éditions se courront sans moi.

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19 réflexions sur “Saintélyon 2014, une nuit blanche un peu noire

  1. L’an dernier déjà tu finissais en disant never again. Je te souhaite de pouvoir rejouer avec toute la satisfaction que tu mérites. En tout cas j’aime tjs autant tes récits.

    1. Merci. J’avais peu envie et je me suis forcé à coucher quelques mots sur le papier (!) pour ne pas flouer mes lecteurs. Mais je crois sincèrement en avoir fini avec cette course.

  2. Dommage…Mais dans les conditions que tu décris, repartir ne t’aurais pas mené bien plus loin. C’est toujours dur d’encaisser un abandon..Mais sur une course pareille, rien de honteux. Tu as bien fait de faire ce billet. Il servira a d’autres et surtout a toi pour les prochaines couses a venir. Alors Byebye la STL….Et tu trouveras pour 2015 bien d’autres courses plus attrayantes que celle là…
    Bon rétablissement.

  3. Je suis content de lire ce récit parce que ça peut tous nous arriver et il faut avoir l’humilité de l’écrire. C’est une drôle d’expérience à vivre. Humainement ça doit être quelque chose de fort même si j’imagine que tu t’en serais passé. J’ai l’impression que l’eau glacée est responsable de nombreux abandons et j’ai été sur le cul de voir autant de personnes se retirer de la course. Avant le départ, la Saintelyon me faisait peur. Après, c’est pareil.
    Il faut aussi préciser qu’il y a plusieurs Saintelyon. T’avais un niveau d’exigence qui fait que le moindre pépin pouvait être fatal. Pour ma part j’ai pris aucun risque ni techniquement ni physiquement. On a pas fait exactement la même course quoi.

    1. C’est sûr que j’étais venu pour passer sous les 8h. Quand tu t’aperçois que ça t’échappe et qu’en plus tu prends plus aucun plaisir voire carrément tu souffres, c’est vraiment inutile d’insister… Bravo à toi d’avoir terminé, on s’en fout du chrono…la première fois :D

  4. Dommage Philippe, mais ne sois pas trop dèçu, je suis entièrement d’accord avec le Daddy (salut toi !), ton objectif était tel que le moindre pépin devient vite rédhibitoire… Quand au never again, tu verras bien, inutile de se précipiter dans le « dès l’année prochaine » ou « jamais plus ».
    Sinon, j’ai eu le même souci d’eau sur la fin de la 2ème boucle de l’Origole, mais (par chance) ça a fini par passer. Par contre, mon bidon d’eau a bel et bien gelé (tout comme ma barbe !)… :D

  5. Comme je te comprends, l’abandon n’est pas quelque chose de facile et fait mal au coeur et à la tête… Mais c’est aussi ça qui nous fais grandir et qui nous apprends à nous connaître et c’est cela qui te fera revenir plus fort peut-être sur la Saintélyon l’an prochain. Mais même déjà sur ta prochaine course.. Repos maintenant et bonnes fêtes :)

  6. C’est aussi pour ça que la Saintélyon est mythique… La course est dure, les conditions aussi… Les abandons et les désillusions ont l’air nombreuses… Il faut vraiment l’avoir dans les tripes pour venir faire cette course!
    Arrivé à mi-course le bide en vrac, les espoirs de chrono envolé, et en plus l’ayant déjà fini donc n’ayant même pas cet objectif d’être finisher en ligne de mire… Je ne vois pas comment tu aurais pu conclure par autre chise qu’un abandon… Je n’aurais pas continué non plus à ta place, c’est certain.

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